L’accélération des transitions est un mantra que l’on retrouve au cœur des agendas industriels et institutionnels : énergie, environnement, RSE… In fine ce sont de nouveaux usages qui sont attendus pour changer les paradigmes actuels. Les briques élémentaires sont bien souvent disponibles, il faut les mettre en musique et générer de l’adhésion, à grande échelle. Le développement de mécanismes centrés sur l’incitation est une nécessité pour libérer les frictions inhérentes à l’éclosion de nouveaux modèles, économiques et organisationnels.

Traiter les défis sociétaux à travers les mécanismes classiques de notre économie est un pari de longue haleine : contraintes légales, réglementaires ou fiscales, business, marketing, tissu associatif… Promouvoir de nouvelles trajectoires peut aussi passer par l’émergence de modèles économiques étendus au sein des chaînes de valeur, adossés à des enjeux stratégiques portés par l’ensemble des parties prenantes. La technologie ne saurait constituer le levier unique pour répondre à ces challenges, l’adoption de solutions à impact en est une clef. Ce sont les usages de masse qui dimensionnent les retombées.

En France la fiscalité liée aux émissions carbone est aujourd’hui principalement portée par la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), dont l’assiette se réduit à mesure que la consommation de produit pétroliers diminue. En parallèle on ne constate pas -à date- de résultats notables sur la décarbonation de notre économie. D’une part parce que seuls 20 % du produit de cette taxe sont fléchés vers la « transition énergétique », d’autre part parce qu’une partie des entreprises en sont exonérées.

Comment distinguer les initiatives qui contribuent réellement aux défis qu’elles adressent de celles qui prétendent le faire ? Le contexte appelle à une plus grande efficacité des démarches, sans pour autant brimer l’innovation et les initiatives à petites échelles. Comment impliquer plus largement les opérateurs de services, consommateurs, fournisseurs et autres parties prenantes des chaînes de valeur pour développer des approches qui combinent pédagogie, efficacité opérationnelle, utilité et soutenabilité financière ?

Élaborer et orchestrer des trajectoires lisibles

Ces défis de société impliquent d’élaborer des visions long-terme et de projeter -au moins temporairement- certains critères de rentabilité à un niveau global au lieu de vouloir forcer l’optimisation de sous-systèmes qui sont interdépendants. Cette approche systémique constitue le socle d’une démarche fondamentalement collaborative.

La RSE est définit comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société » par la Commission Européenne. Ces évolutions structurelles créent des interfaces entre les entreprises et la société, et placent de fait les dirigeants dans des positions qui les amènent à étendre le champ de leurs responsabilités. Les tendances concourant à la normalisation des indicateurs extra-financiers et l’obligation de reporting vont de fait exposer les pratiques en vigueur au sein des entreprises. Ce cadre porte un fort potentiel d’innovation qui peut permettre d’impulser des initiatives qui permettraient d’agréger des consortiums d’acteurs économiques autour de ces objectifs.

Pour fixer des objectifs, il convient de s’entendre sur une origine. C’est sur la base de situations de référence calibrées que des évolutions pourront être mesurées, et les trajectoires évaluées. La fusion de données issues de services numériques avec des données statistiques et des données ouvertes doit contribuer à analyser et quantifier les niveaux d’adoption et leur progrès. De même les impacts générés doivent être caractérisés et mesurables à tous les niveaux de la chaîne de valeur : réduction de l’empreinte environnementale, amélioration de la résilience ou de la circularité. Ces notions parfois prosaïques seront converties en indicateurs intelligibles pour chaque contributeur. Pondérer la part de l’individuel et l’action globale du collectif permet de maintenir le sens de la démarche, en impliquant l’ensemble des échelons avec un niveau de responsabilité adapté.

Promouvoir des modèles coopératifs plutôt que coercitifs

La transformation numérique des entreprises et des territoires passera aussi par l’émergences de nouvelles méthodes de coopération à fort impact sur leur secteur. Au sein de chaîne de valeur établies ou naissantes, des alliances novatrices peuvent conduire à réviser des modèles figés.

Passer des changements de comportement à l’échelle implique d’enrôler largement opérateurs, fournisseurs et usagers. Les communautés constituent des viviers d’initiatives, quand cela est pertinent elles doivent pouvoir être soutenues dans leurs besoins d’opérationnalité. Amplifier des phénomènes émergents pour tester et valider leur contribution aux objectifs globaux et identifier les facteurs de réplication doit permettre de tenir compte des spécificités contextuelles. Les réflexions systémiques autour des défis sociétaux doivent pouvoir être déclinées à des échelles réduites.

L’essor du véhicule électrique constitue un enjeu de décarbonation important et le passage à grande échelle polarise des questionnements autour de la production énergétique en omettant parfois la concrète mise en application. Ainsi en zones urbaines et périurbaines l’électrification ne peut être dissocié d’une nécessaire réduction du nombre de véhicules en circulation, ce point pouvant être satisfait par des services de covoiturage. En complément le coût de possession de ces véhicules et les contraintes liées à la recharge plaident pour la concrétisation de modalités de partage de la ressource, autant infrastructurelle (l’espace publique de circulation et de parking, les points de recharge) que matériel (les véhicules). Les tensions prévisibles sur les usages et la gestion de l’espace publique appellent à la conception d’outils qui permettront de combiner au mieux le développement de nouvelles pratiques avec des politiques de mobilité et des services rentables.

La création d’outils dédiés à la stimulation de comportements représente un champ à développer, à la convergence du nudging, du marketing et de la conduite du changement. Articulés autour de la notion de preuve d’usage, ils doivent permettre de faire circuler des informations certifiées au sein d’une communauté. Ces outils doivent lever des verrous autour de la gestion de l’identité, et ce afin de pouvoir mettre en œuvre des mesures ciblées aux effets intensifiés. Au cœur de ces dispositifs, la possibilité de paramétrer et piloter des campagnes d’incitation focalisées, quantifiées et ajustables dans la durée. La modulation des mesures en intensité et périmètre fondera l’agilité nécessaire pour catalyser de nouveaux modèles économiques.

 

Références :

Ademe : Découvrez l’impact sur le climat des objets et gestes de votre quotidien

https://impactco2.fr/

 

TDIE – Engagements climatiques et mobilités : à la recherche du bien commun

https://tdie.eu/storage/2023/01/Note_CS_TDIE_climat-mob_bien_commun_16_01_2023_V_num.pdf

 

La responsabilité sociétale des entreprises – Ministère de la Transition Ecologique

https://www.ecologie.gouv.fr/responsabilite-societale-des-entreprises

 

« Le reporting extra-financier va devenir une science de la donnée et une industrie de la vérification »

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/05/le-reporting-extra-financier-va-devenir-une-science-de-la-donnee-et-une-industrie-de-la-verification_6153031_3232.html